Eclairante nuit noire


Qu’est-ce que la nuit noire de l’âme ?

 

Il existe de nombreuses façons de définir la nuit noire de l’âme.

Une définition un peu pompeuse et théorique nous dit que « la nuit noire de l’âme est un concept spirituel et psychologique qui décrit une période profonde de crise intérieure où une personne traverse des moments d’obscurité, de confusion et de détresse intense. ».

 

La définition est juste bien sûr mais il me semble qu’elle oublie le côté sensible et le charnel de cette expérience. Elle omet de parler de la sensation d’étouffement, d’aspiration dans les tréfonds de l’être, du brouillard, de l’impression de noyade dans une boue intérieure.

 

Elle survient souvent durant les périodes de questionnements lorsqu’une personne qui a vécu en mode “automatique”, “conditionné” et “blessé” durant des années commence à s’interroger sur le sens des épreuves et de son existence.   La nuit noire de l’âme est avant tout une traversée émotionnelle, un grand chambardement intérieur qui nous sort du « tout matériel » et du rationnel.

 

Elle surgit habituellement après un bouleversement émotionnel intense et profond : une maladie, un licenciement, une séparation, un décès, un échec professionnel.   Celui qui l’a vit a l’impression que le monde sur lequel il avait construit sa vie s’effondre. Il perd ses repères.

 

On passe du tout rationnel au plus subtil.

 

C’est souvent douloureux une nuit noire, ça fait peur, ça vient ébranler les bases, les fondations de notre être, nos croyances sur la vie et sur nous-même.

 

J’ai le sentiment d’avoir traversé plusieurs nuits noires depuis une dizaine d’années d’intensités différentes. 

 

Dans mon livre « Écoutez-moi » paru aux éditions Maïa (lien ci-dessous) j’en évoque une première, plutôt « light » à la quarantaine avec une première envie de sortir du tout matériel, des premiers questionnements et la volonté de suivre un appel.

 

En voici un extrait :

Je suis sensée passer mes examens en début d’été 2012, à Paris. Nous partons tous les trois pour la capitale, et c’est durant ce vol que je commence la lecture du livre d’Ingrid Betancourt, Même le silence a une fin , que Jean-Marc m’a offert, ainsi dédicacé par l’écrivaine : Rien que l’amour. J’ai mis plus d’un an à l’ouvrir, mais ce livre est pour moi une sorte de révélation. Le cheminement spirituel de cette femme charismatique, emprisonnée au fin fond de la jungle, humiliée, réduite par moments à moins que rien et au silence, me touche profondément.  Pour la première fois, j’établis un lien entre les aspects thérapeutique et spirituel du travail sur soi. Je pense alors à L’intelligence du coeur, d’Isabelle Filliozat, que j’ai lu des années auparavant, et à la citation de Bruno Bettelheim qui m’avait tant marquée. Juste avant Même le silence a une fin, j’ai également découvert, par hasard si cela existe, La traversée, de Christine Rebourg-Roesler, psychologue clinicienne et Maître de conférence à l’Université de Nancy, avec laquelle j’ai travaillé au CHS de Rouffach, et de Mgr Vincent Jordy. L’ouvrage décrit les échanges, pendant toute une année, de l’auteure avec Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude dans le Jura, sur l'exercice de l’accompagnement thérapeutique et de l'accompagnement spirituel.  Ces traversées, ces ponts entre la thérapeutique et le spirituel me parlent très profondément. Je comprends que l’heure est venue d’intégrer à mon chemin de guérison une véritable dimension spirituelle. Je prends conscience que moi aussi je fais, à ma manière, une traversée, et qu’après des années d’une forme de déshérence intérieure, je retrouve une joie et une passion que j’avais perdues et qui m’avaient, sans que je le sache, beaucoup manqué. Je me sens à la croisée des chemins. Quelque chose commence à s’ouvrir.

 

Oui en 2012, quelque chose commençait à s’ouvrir pour moi. Une trame se dessinait timidement à l’arrière-plan mais l’heure n’était pas encore venue de plonger dans le cœur du chaos et du cosmos. L’Univers a sa propre temporalité – ou peut-être même n’en a-t-il pas ? - et notre cœur d’enfant blessé.e, ses propres saisons.

 

Une vraie nuit noire aspire, nous met à l’arrêt. Des symptômes physiques l’accompagnent : insomnies, douleurs physiques, brouillard mental. C’est comme plonger dans un puits qui peut sembler être sans fond par certains moments.

 

Nietzsche dans son œuvre “Ainsi parlait Zarathoustra”, écrivait « Il faut encore avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse ».

 

Et Christian Bobin pensait « qu’il fallait que le noir s’accentue pour que la première étoile apparaisse ».

 

Pas d’étoile qui danse sans chaos, rappelons-nous-en.

Cette première étoile, qu’on appelle aussi Vénus ou l’étoile du berger, peut sembler bien longue à apparaître et lointaine par certains moments.

 

Il s’agit alors de faire corps avec la patience et la patience, dans un monde de l’instantané, n’est pas toujours notre fort. Quand nos traumas et nos blessures les plus profondes sont réactivés, il est tellement humain de chercher à esquiver la douleur et/ou tentant de suivre les solutions « prêtes à l’emploi » qui nous proposent de faire des raccourcis.

J’en parle en connaissance de cause. J’ai cherché à esquiver aussi.

Mais j’ai appris au fil du temps qu’ombre et lumière sont les deux parties d’une même face.

Une vraie nuit noire nous parle d’ombre, de rites de passage, d’enfantement, de renaissance à notre être véritable, celui qui attendait parfois depuis des décennies d’être (r)éveillé... Celui que nous avions oublié au cours de notre chemin d’incarnation.

J’ai aimé découvrir cette légende de la marque de l’ange qui raconte qu’à la seconde où un bébé vient au monde, il sait tout. Il a toute la connaissance, y compris la connaissance de Dieu… et qu’à ce moment-là un ange vient lui dire Chuuut !  et lui pose le doigt sur la bouche, d’où cette marque que nous avons tous entre le nez et la bouche.

 

Lors de la traversée de la nuit noire de l’âme - à la différence de la dépression - la personne sait au fond d’elle qu’elle est en train de passer une épreuve, une sorte d’épreuve du feu.

L’acceptation de l’effondrement de la vie passée et douloureuse peut prendre du temps mais l’espoir, même faible, est là.

 

« Celui qui a vu son ombre est plus grand que celui qui a vu les anges. Celui qui a touché les abîmes et qui a pourtant choisi la vie met le monde debout » écrivait Christiane Singer.

Et c’est bien de cela dont il s’agit : de voir nos ombres , de toucher les abîmes de nos êtres et pourtant choisir la Vie avec un grand V tout en gardant à l’esprit que les anges et nos guides, bien sûr, sont toujours là à veiller... même dans l’ombre.

Nous ne sommes jamais seul.e.s sur nos chemins de traverse.

A quoi sert l’écriture au cœur de la nuit noire ?

L’écriture aide à comprendre et à intégrer, au fil des mots et des pages, le processus de la nuit noire de l’âme.

 

Elle permet de :  

 

-       Faire face à des émotions difficiles, de les clarifier.

-       Poser des mots sur un tumulte intérieur, de décider ce que nous souhaitons conserver, écrire, dans le prochain chapitre de notre existence.

-       Devenir le Capitaine de notre propre bateau en nous libérant des diktats sociétaux et/ou familiaux.

-       Renouer avec une énergie nouvelle, originelle, de réveiller notre Phoenix intérieur.

-       Retrouver du sens à une histoire qui a pu paraître insensée durant de nombreuses années.

 

Même si c’est une période difficile, la nuit noire a un intense goût de liberté et la personne qui la traverse le sait inconsciemment.

 

En ce qui me concerne, l’écriture m’a permis de :

 

-       Retrouver mon authenticité - nos blessures et nos traumas d’enfance nous en éloignent toujours.

-       Renouer avec des valeurs fortes comme l’engagement et l’envie de partager mon chemin.

-       Retrouver ma voix que j’avais perdu au fil des années.

-       Dissiper peu à peu les illusions et de clarifier ma vision.

-       Me relier à mon essence et à ma lumière.

 

L’écriture et la publication de mon livre ont été pour moi des passages d’étapes, une façon de gravir ma propre montagne Sainte Victoire, d’en partager l’ascension car même si nos histoires de vie sont toutes différentes, je constate que les étapes du chemin de libération se ressemblent.

 

Je suis pleine de gratitude pour les retours de lecture qui me parviennent et qui me parlent de connexions : 

 

  « L’écriture de ton livre fait tellement sens, ça répare les mots, ça rempli des vides, tous ces espaces vertigineux où pendant très longtemps je n’avais pas de vocabulaire, parce que c’est trop incompréhensible, innommable. Par ton histoire tu poses tes mots, qui deviennent réels car nos vécus se rejoignent bien que nos histoires soient différentes... c’est à la fois si douloureux et si apaisant ».

 

La nuit noire de l’âme est une épreuve mais elle porte en elle la promesse d’une transformation et d’une guérison profonde et parfois intergénérationnelle.

A chaque crise difficile, nous devenons un être plus complet et plus vrai, plus résolu à vivre selon notre propre lumière.

 

Derrière la douleur il y a l’apaisement.

Derrière l’ombre il y a la lumière.

 

N’ayons pas peur de faire ces grandes traversées et n’ayons pas peur de les partager.

Tout est sous contrôle.

On écrit ensemble ?

 

 Image : La Vierge et l'enfant (1380) - Antonio Veneziano  


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