
J’ai réceptionné hier le message ci-après de Christelle Esnoul que j’avais reçue dans mon podcast Trait d’Union (lien pour réécouter l’interview sous l’article).
Dans son livre “Olivia, mon cri d’amour, ma douleur douleur” (lien pour le commander sous l’article) publié il y a quelques semaines, Christelle partage, sans fards et avec la plus grande sincérité son long parcours de résilience après avoir vécu deux deuils périnataux de façon très rapprochés.
Bonjour Sylvie,
J’espère que vous allez bien Je voulais vous faire un petit retour sur l’après édition. Recevoir mon livre physiquement, pouvoir le toucher, feuilleter ses pages, le serrer contre moi ont été des émotions tellement intenses. Il trône en vue sur une de mes étagères dans mon salon.
Je n’aurais jamais imaginé que cette écriture puisse être aussi libératrice. Je n’avais pas conscience que de coucher mon parcours sur papier, en choisissant les mots, en revivant profondément certains moments, me serait autant profitable.
On parle ici d’une vraie écriture thérapeutique.
Et le côté merveilleux dont j'ai pris conscience est qu’à chaque fois qu’un lecteur parcourera mon livre, il fera revivre mes filles.
L’écriture comme catharsis pour mettre des mots sur l’indicible
Ce message de Christelle m’a bouleversée car c’est bien là le but de l’écriture d’un livre-vie :
- Mettre de la vie là où il n’y avait qu’une certaine forme de mort ou de souffrance parfois durant des années,
- Réussir à mettre des mots là où il n’y avait que culpabilité, secret ou silence, - Partager son parcours et son humanité avec d’autres humains blessés et imparfaits – comme nous -, là où il n’y avait qu’isolement et solitude,
- Sortir l’histoire de la souffrance et du huis clos familial ou sociétal, avec ses tabous (et le deuil périnatal en est un bien évidemment), et l’amener à un autre niveau d’éclairage et de conscience,
- Devenir un phare dans la nuit d’autres personnes qui sont encore enfermées dans leur déni ou leur souffrance.
Revivre pour se libérer : la puissance du récit personnel
L’écriture est une façon de se réapproprier son histoire passée.
- Celle qui nous a échappée.
- Celle à laquelle on a pas osé faire face, quelles qu’en aient été les raisons.
- Celle qu’on a pas pu comprendre à une époque. Aujourd’hui la compréhension des mécansimes du trauma (déni, dissociation, amnésie partielle ou totale parfois durant des années) permet de mieux comprendre et donc de mieux faire face à l’histoire douloureuse.
- Celle qui n’a pas été entendue ou écoutée par peur, par culpabilité, par honte. Derrière chaque empêchement, il y a toujours d’autres conditionnements, d’autres traumas irrésolus, d’autres émotions difficiles auxquelles on n’arrive pas à faire face.
Peur, honte, culpabilité : 3 émotions à libérer
Dans les histoires d’inceste et de violences sexuelles, la peur, la honte et la culpabilité, sont des émotions qui sont à tous les étages et auxquelles la victime doit oser y faire face pour guérir.
Je rappelle la loi : “le crime de viol incestueux sur mineur (de moins de 18 ans) est puni de 20 ans de réclusion criminelle”. (Journal Officiel du 22 avril 2021).
Au départ les victimes se sentent souvent coupables de n’avoir pas osé parler.
Ensuite - parfois après de nombreuses années-, elles se sentent coupables d’avoir osé parler surtout quand l’entourage n’est pas soutenant.
Souvent aussi, parce que l’inceste concerne un système organisé et complexe, certaines victimes finissent par se sentir coupables d’exister.
Ne pas se libérer de ces émotions lourdes qui constituent un véritable poison pour les victimes peut engendrer de graves conséquences.
Je rappelle que les victimes d’inceste sont particulièrement vulnérables face aux idées suicidaires et aux tentatives de suicide.
Selon une étude de 2015 menée par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, 46% des victimes d’inceste ont réalisé au moins une tentative de suicide, et 86% d’entre elles rapportent avoir des pensées suicidaires.
Connaître les chiffres du suicide et les risques encourus est important pour comprendre, savoir qu’on est pas seul.e à ressentir et traverser ça et commencer à s’en prémunir. Le suicide aussi, bien évidemment, reste un énorme sujet tabou que Stromae avait su parfaitement aborder dans sa chanson “l’enfer”. Il y relève d’ailleurs très bien le lien entre culpabilité et pensées suicidaires.
Merci aux artistes puissants et authentiques d’oser partager leur vulnérabilité qui nous aide à contacter la nôtre.
Ecrire et partager ses écrits : une passerelle entre soi et les autres
Lorsque la douleur qui a longtemps fait souffrir, qui a été minimisée ou déniée réapparaît, l’écriture, et aussi le fait d’oser la partager avec d’autres personnes, est alors une façon courageuse non seulement d’y faire face de façon personnelle mais aussi d’aider d’autres personnes à y faire face.
Oser partager sa sensibilité et sa vulnérabilité c’est comme prendre la main de cet autre qui est encore enfermé.e dans ses peurs et lui dire : vient, n’aies pas peur, on avance ensemble.
Chaque histoire est différente bien sûr et en même temps chaque partage courageux éclaire une nouvelle facette de notre propre histoire et de l’histoire avec un grand “H” puisque sous nos amas de blessures, nous sommes toutes et tous reliés en humanité.
La matérialisation d’un chemin intérieur : de l’écriture à l’objet livre
Comme je comprends Christelle Esnoul lorsqu’elle m’indique que toucher son livre, le voir sur l’étagère, le serrer contre son cœur est une étape complémentaire et très libératrice pour elle.
Je me souviens de la réception du mien et de l’immense émotion ressentie ce jour là. Mais bien sûr la guérison ne s’arrête pas là tout simplement car la vie ne s’arrête pas là.
Les obstacles continueront à s’ériger sur le chemin, c’est le jeu même de la vie et des fameuses couches profondes qui continuent à remonter à la surface pour qu’elles soient vues et libérées.
Accueillons-les avec gratitude et confiance en comprenant qu’elles font toutes partie de l’histoire.
Ecrire avec un cœur conscient
L’étymologie du mot courage vient du mot “cœur”.
Ecrire pour soi et pour aider les autres victimes à se libérer c’est oser se connecter à son cœur vaillant et à son cœur vibrant, à son cœur toujours vivant.
Ecrire avec un cœur conscient c’est aussi accepter de faire sa part malgré les doutes et les obstacles.
Le fait que vous soyez "trop" ceci ou “trop” cela pour les autres sera souvent le reflet de votre capacité à dénoncer l'injustice, à être vulnérable et à être honnête face aux difficultés rencontrées.
C'est votre "trop" qui est nécessaire au changement.
Continuez, mes ami.e.s. Continuez.
Et n’oubliez pas que pendant vous douterez de vous, certains s’émerveilleront de vous.
Choisissez l’émerveillement.
On avance et on écrit ensemble.