Accepter de grandir c'est accepter de muer


Accepter de grandir c’est accepter de muer

 

29 janvier 2025 : on entre dans l’année du Serpent de bois en astrologie chinoise.

Petite j’avais un livre d’images avec des animaux.

Lorsque le serpent apparaissait, il me terrifiait, je sautais la page.

J’en avais une peur bleue.

 

En écrivant ça, j’ai un petit sourire qui apparaît au coin de mes lèvres.

 

Je prends conscience que j’ai lâché pas mal de peurs au fil des années.

Me connaître et décortiquer mon histoire m’a aidé à les lâcher, à faire des choix de vie, à devenir adulte, à lâcher les situations de dépendance dans lesquelles mon enfant intérieure insécurisée était restée accrochée.

 

Je me sens prête, comme le serpent, pour la mue suivante.

Accepter de grandir c’est accepter de muer.

 

La mue précédente a eu lieu le 29 mai 2024, date de la sortie officielle de mon livre « Écoutez-moi ! » aux éditions Maïa.

 

8 mois très exactement que mon histoire et mes mots circulent.

 

Je n’imaginais pas à quel point le fait d’écrire mon histoire allait toucher, déranger, faire remonter à la surface de la conscience tout ce qui aurait dû rester dans l’inconscient familial, sociétal et aussi dans celui de mon couple.

 

Je n’imaginais pas à quel point mon livre allait être un déclencheur pour permettre à d’autres victimes du silence et du déni de se libérer.

 

Hier encore je réceptionne ce message privé : « Bonjour Sylvie, je ne sais pas trop par où commencer. Je suis en train de lire ton livre et je dois dire que je prends un sacré coup sur le coin de la gueule car je sais exactement ce que tu as vécu. Le trauma, le silence, le déni par la famille et tout le reste... etc... »

 

Ces messages me bouleversent car je sais en les recevant que mon livre est utile.

Il est le maillon d’une chaîne libératrice.

 

L’écriture un acte de responsabilité

 

Être utile et responsable faisaient partie de mes objectifs en écrivant.

 

Je comprends au fil des années et en découvrant le « coût du trauma » que nos histoires ne sont pas que des histoires de libération individuelle. Elles renferment des responsabilités collectives et politiques.

 

En décidant d’écrire, sans fards, je prends enfin ma responsabilité d’adulte face à ce silence qui tue les victimes à petit feu.

 

J’accepte et je prends ma responsabilité.

Celle que je n’ai pas réussi à prendre pendant des années.

Par peur du « qu’en dira-t-on », par inconscience, par survie, par lâcheté, par honte.

J’ai tellement culpabilisé de n’avoir pas osé parler avant.

 

Mais ça c’était avant...

 

Voici un extrait de mon livre :

 

« Je sais depuis longtemps qu’on ne peut pas changer les autres, que c’est à nous de nous adapter, de prendre les décisions que nous estimons bonnes pour nous-mêmes. Je comprends qu’il me faudra avancer sans leur soutien et que m’y résigner, c’est accepter et honorer cette partie de moi qui a soif de vérité, de sincérité et d’authenticité, cette partie de moi qui comprend le trauma comme une véritable gangrène ayant des conséquences personnelles, psychiques, physiques, biologiques, relationnelles, collectives. Le Dr Peter Levine dit que le coût du trauma pour la souffrance humaine est incalculable, mais que le coût du trauma pour la société est calculable, et très élevé. Les symptômes - anxiété, dépression, symptômes psycho-somatiques - représentent un coût énorme pour la société, en termes de prise en charge, de médicaments, de traitements. Et pour moi, comme je l’ai à nouveau ressenti en revoyant le film de Steven Spielberg La liste de Schindler, chaque vie compte. Je sais que les conséquences du trauma, particulièrement quand elles sont liées aux violences sexuelles, tuent physiquement et émotionnellement, à petit feu. Dans un article de 2015 paru dans Libération (10), on peut lire Les conséquences sur la santé à long terme seront d’autant plus graves que les victimes ont subi un viol, alors qu’elles avaient moins de 11 ans et qu’il s’agissait d’un inceste : risque de mort précoce par accident, maladies et suicides (selon l’enquête elles sont 45% à avoir tenté de se suicider), de maladies cardio-vasculaires et respiratoires, de diabète, d’obésité, d’épilepsie, de troubles psychiatriques, d’addictions (pour 48% des victimes), troubles de l’immunité, gynécologiques, digestifs, alimentaires et chroniques.

Oui, les violences sexuelles ont de graves conséquences, les tentatives de suicide sont quatre fois plus nombreuses chez les victimes de viols, elles sont aujourd’hui connues d’un grand nombre de personnes, et moi, je ne peux plus me taire quand dans ma famille, nous avons de moins en moins à nous dire, et que le grand bal des banalités bat son plein. »

 

Quelqu’un me disait récemment « il en faut du courage pour écrire un livre qui fout le bordel dans la famille ».

 

Ne nous voilons pas la face.

Oser parler, oser dénoncer, oser porter plainte quand l’agresseur est un proche de la famille fout souvent le bordel dans la famille.

 

J’en fais aussi le constat au sein de l’association de victimes d’inceste dont je fais partie.

 

Mais remettons les choses à l’endroit : le « vrai » bordel dans la famille c’est l’agression, l’inceste, le silence, les années de non-dits, toutes ces années où on sait mais où on n’ose pas dire, toutes ces années ou on fait semblant de ne pas savoir. Les années où la souffrance est niée, où les mots sont étouffés, empêchés.

 

Dans les histoires d’abus et d’inceste tout est inversé.

 

C’est la victime, quand elle ose dénoncer les faits, parfois après de nombreuses années et thérapies qui passe pour l’agresseur.

 

Martine Nisse et Pierre Sabourin décrivent parfaitement ce processus inversé dans leur livre « Quand la famille marche sur la tête ».

 

Alors oui, en effet, il faut souvent un sacré courage pour écrire et témoigner de son parcours.

 

Mais qui a dit que la vie était toujours un long fleuve tranquille ?

 

Muons encore et encore

 

2024 aura donc été marquée pour moi par le courage, l’engagement associatif et politique et l’action éclairée.

 

J’aborde cette nouvelle année chinoise en 2025 un peu comme le serpent, en continuant ma mue et en devenant de plus en plus l’adulte créateur de ma vie.

 

Oser écrire et partager mon histoire a libéré de nombreuses peurs dans ma vie.

 

En les écrivant, je les sortais de ma tête.

 

En les voyant écrites - en noir sur une page blanche - et au fil des relectures, elles prenaient une forme différente, elles s’alchimisaient. 

 

Connaître les mécanismes du psycho-trauma et les outils de libération émotionnelle m’a bien évidemment beaucoup aidé.

 

Ce sont aussi ces compétences et mon expérience dans la thérapie que je mets à profit dans mes coachings en écriture.

 

Passer de l’enfant blessée, conditionnée par son histoire et ses traumas, à l’adulte créateur de sa vie : voilà une création originale qui me plaît.

 

Alors comme le fait régulièrement le serpent – qui fait parfois plusieurs mues par an -, muons. 

 

Apprenons à nous connaître, creusons notre histoire, puis... respirons un bon coup et lâchons joyeusement tout ce qui ne nous correspond plus.

 

Acceptons sans résistance notre nouvelle peau et les nouvelles perspectives qui vont avec.

 

Et si d’aventure on vous traite de « peau de vache », parce que vous changez, acceptez-le.

 

Fermez tranquillement la porte tout en gardant le cœur ouvert pour ce qui arrive.

 

Se libérer, c’est accepter qu’on ne plaira pas à tout le monde.

 

Respirer, chanter, oser

 

Mon livre s’ouvre sur cette citation de Christian Bobin : "Il faut que tout respire et chante en nous, même le néant."

 

Ne craignez pas le néant. Il fait partie de vous.

Respirez-le. Traversez-le. Célébrez-le.

 

Et si le cœur vous en dit, ensemble, écrivons votre histoire.

 

Sylvie


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