On est mercredi après-midi.
Quel thème vais-je aborder dans mon écho inspirant hebdomadaire ?
J’ai l’élan de sortir de chez moi pour l’écrire.
J’avais repéré il y a quelques jours un lieu qui m’a appelée.
Vous savez les fameuses petites voix de Jeanne... encore elles. Hahaha... Sacrée Jeanne.
C’est un lieu où on répare les vélos mais pas que...
Chez Aven Bike and Fika on répare les vélos et on se retrouve pour travailler, échanger. C’est un lieu de réparation et un lieu convivial et de rencontres.
On y croise des jeunes, des "un peu moins jeunes" (mais avec le coeur jeune), des familles, un chien. Un bébé babille joyeusement à côté de moi, sourit et ouvre grands ses yeux lorsque sa maman lui dit « comme tu es une grande fille » !!!
Ça parle Allemand à côté de moi.
A une autre table slave.
C’est calme et en même temps très cool.
J’aime l’atmosphère. Parfait pour se laisser inspirer.
Je me dis que j’aime découvrir, aller à la rencontre des autres et que j’aime les lieux de vie.
J’ai eu la grande chance dans ma vie de beaucoup voyager à une époque grâce à l’activité de mon mari.
Tous ces voyages m’ont enrichie, éclairée.
Aller à la rencontre de l’autre, quel qu’il soit, élargit notre vision du monde et la vision de notre monde intérieur.
Je crois aussi qu’aller à la rencontre de l’autre et s’intéresser vraiment à lui nous rend meilleur, plus tolérant.
Changer de cadre c’est aussi changer d’énergie.
Et l’énergie c’est la vie qui circule.
On a souvent tendance à rester enfermé.e dans ses habitudes. Mêmes lieux, mêmes relations, mêmes discussions. On ne se rend même plus compte qu’on tourne en rond comme le poisson rouge dans son bocal parfois depuis des années, des décennies, une vie.
Apprendre à me connaître m’a permis de comprendre que j’étais tout sauf un poisson rouge dans son bocal et que j’aimais le changement et la vie qui pétille.
Mais revenons à ce lieu que je découvre.
La bande-son me plaît. Sunny Afternoon des Kinks, Knocking on Heaven’s Door de Dylan puis Proud Mary des Creedence Clearwater Revival passent en fond sonore.
Je me souviens de l’interprétation magistrale de Proud Mary par Tina Turner.
(Lien de la vidéo sous l’article)
Bingo ! Le voilà le thème de mon article du jour.
Il émerge en buvant une infusion à la menthe.
Tina Turner. Quel destin hors normes ! Quelle inspiration !
Je me souviens du documentaire « Tina » que j’avais visionné il y a quelques années.
J’avais été tellement touchée par son histoire marquée par la violence, la musique et la passion.
Tina (Anna Mae de son vrai prénom) naît dans un petit village du Tennessee à l’époque où on reléguait les noirs dans les sous-sols des maternités.
Son père, homme violent qui les abandonnera rapidement, et sa mère travaillent dans des champs de coton. Elle est souvent livrée à elle-même. A l’école où elle n’est pas très bonne élève, elle subit des moqueries.
Elle a 10 ans lorsque sa mère quitte provisoirement le domicile sans prévenir du jour au lendemain. Tina n’est pas aimée.
C’est à l’église qu’elle se découvre un talent pour le chant gospel.
L’église devient alors un lieu plein de passion où on peut pleurer et prier pour garder espoir.
Elle quitte Nutbush à l’âge de 17 ans pour rejoindre sa sœur à Saint-Louis dans le Missouri. Elle fait alors la connaissance d’Ike Turner.
Dans sa biographie on lit : « ma voix s’éleva à travers le brouhaha et la fumée, forçant tout le monde y compris Ike à regarder d’un autre œil la petite Anna Mae. Il était stupéfait d’entendre ma voix ».
Tina c’est une voix incroyable bien sûr mais aussi un destin tourmenté.
Dès les premières images du documentaire sur sa vie, ce qui saute aux yeux ce sont les gouttes de sueur sur son visage. Tina Turner sur scène et dans la vie, c’est une force de travail, une résistance extraordinaire aux conditions les plus difficiles, que ce soit dans un stade de Rio face à un public chauffé à blanc de 180 000 personnes ou face à la violence de l’homme avec qui elle a construit la moitié de sa carrière et de sa vie.
Il lui faudra des années pour se défaire de l’emprise autant amoureuse, mentale qu’artistique qu’a exercé Ike Turner.
Un jour néanmoins elle comprend qu’il est temps de prendre soin d’elle-même.
Elle prend conscience de sa propre valeur et du fait qu’elle est une femme importante et exceptionnelle.
En juillet 76 pendant un trajet en taxi, Ike la frappe une nouvelle fois et pour la première fois elle lui rend la pareille.
Ce moment où elle a riposté a été une étape importante pour elle. Pour Ike aussi d’ailleurs. Il s’est rendu compte qu’elle avait du répondant, qu’elle se défendait qu’elle n’allait plus se laisser faire sans rien dire mais au contraire rendre coup pour coup.
L’été 76 marque le début de sa vie de femme libre.
Après la dispute dans le taxi elle quitte son mari sur une impulsion soudaine, sans argent et sans projet.
Il lui faudra des années pour parler de sa double vie avec Ike Turner y compris de sa tentative de suicide en 1968.
Elle se dit ce jour-là : « si je suis encore en vie ce n’est peut-être pas un hasard ».
Elle entre dans la pratique du bouddhisme.
Elle change sa façon de voir les choses.
Le bouddhisme repose sur la notion de compassion et de bienveillance envers soi-même. C’est cette spiritualité qui lui a permis de quitter Ike.
Endettée, elle se remet au boulot à Las Vegas et partout où on veut de son show.
Grâce à un nouveau manager australien, Roger Davies, subjugué par ses capacités scéniques, elle va réaliser son rêve : « remplir des stades comme les Rolling Stones ». Et pourtant, aucune femme ne l’a fait jusque là, personne dans le métier ne croit en elle comme artiste solo et Tina est plus âgée que ses concurrentes. Elle change d’image, coupe ses cheveux, passe du cabaret au rock, affronte la méfiance de sa maison de disques puis contre toute attente casse la baraque. Dès 1984, son album « Private Dancer » avec la chanson « What’s love got to do with it » bat des records et elle lance une tournée de 280 dates en un an et demi...
Ses préceptes spirituels l’ont beaucoup aidé.
Cette femme conditionnée à obéir depuis ses 16 ans et à ne pas penser par elle-même conservera néanmoins jusqu’au bout sa foi en la vie et en l’homme.
Elle se réinvente musicalement et change de look. Elle s’adapte et se met en danger.
Dans sa nouvelle carrière, Tina Turner s’entoure d’hommes qui la respectent et qui l’inspirent. David Bowie qui restera un ami fidèle jusqu’au bout l’aide à reprendre sa place dans le paysage musical des années 80.
C’est à force de persévérance qu’elle a pu être traitée d’égale à égale comme elle le souhaitait.
Côté cœur, elle mettra du temps à trouver l’amour dans sa vie.
C’est à l’âge de 46 ans qu’elle fait la connaissance d’Erwin Bach. Il a 16 ans de moins qu’elle. C’est un véritable coup de foudre. Il est sensible à l’énergie que dispense TIna.
Il la laisse respirer et la protège en même temps.
C’est en Europe qu’elle trouve sa nouvelle patrie musicale. Elle quitte les Etats-Unis et s’installe en Suisse près de Zürich.
Elle dit « Aux USA un chanteur noir ou de RnB reste un chanteur noir ou de RnB. Ça a été un vrai bonheur de quitter ce pays. En Europe on me traitait comme une star. »
Elle n'a pas peur de fermer de portes Tina.
Tina ne se retourne pas, elle avance.
A 73 ans elle s’offrira enfin le mariage romantique dont elle rêvait.
Pour son premier mariage Ike Turner l’avait emmené dans un bordel pour regarder un spectacle érotique le soir de leurs noces.
Elle a mis des années à parler de la honte que lui avait procuré ce mariage de façade sordide.
Telle est l’histoire de Tina et quels sont les apprentissages que je retiens ?
- les abus, la violence ne conditionnent pas notre vie,
- rien n’est jamais définitif,
- ne nous comparons jamais aux autres, nous sommes des êtres uniques, on a rien sans engagement dans la vie, il faut travailler, sortir du confort, du connu, de nos habitudes, faire face à nos peurs les plus profondes,
- croyons en nos rêves,
- croyons en nous-mêmes et en la vie (même ou plutôt « surtout » si elle a été dure),
- n'ayons pas avoir peur de recommencer à zéro (car on ne recommence jamais vraiment à zéro)
- agissons pour réaliser nos rêves, notre puissance réside en notre capacité à oser faire face avec courage à notre histoire, à la comprendre puis à la lâcher, à avancer, à passer à autre chose.
Lors du décès d’Ike Turner lorsqu’un journaliste tente d’avoir un commentaire de sa part, elle répond « no comment ».
Elle est passée à autre chose Tina. Elle a avancé.
Son profond lien avec le bouddhisme nous rappelle aussi que toutes nos ressources sont déjà à l’intérieur de nous.
Je lisais dernièrement cette phrase « tu fais des vagues juste en étant toi-même ».
Mais oui, osons être totalement nous-mêmes avec nos qualités et nos défauts. Et rappelons-nous que nous sommes tous différents et qu'on ne peut pas plaire à tout le monde.
Tout est dans le diamant brut que nous sommes déjà.
Des vagues, nul doute qu’elle doit continuer à en faire, de là où elle est aujourd’hui.
J'entendais récemment cette phrase : "Le récit que nous faisons de notre histoire créé le lit dans lequel nous mourrons."
Dans quel lit souhaitez-vous mourir demain ?
Dans le lit d’une victime de la vie ou dans celui d’une survivante ou d'un survivant guidé.e par l’amour de la vie et dans l'acceptation de ce qu'elle vous a offert ?
Morgan Rhodes écrivait que « la magie trouvera ceux qui ont le cœur pur, même quand tout semblera perdu ».
Merci Tina pour l’inspiration du jour.
On va continuer à avancer ensemble.
Sylvie
Photo d’illustration : David Lindberg qui était un grand ami de Tina